Article du Nouvelliste du 26.06.2019  https://www.lenouvelliste.ch/news-848516

Nadine Lacroix Oggier présente les dernières baies de mai de l’année récoltées sur les surfaces d’Agroscope Conthey en compagnie de Francis Bourquenez (jus Iris), Julien Héritier (responsable Médiplant) et André Ançay (responsable groupe petits fruits au centre de recherches Agroscope).

La petite baie ovale aux reflets bleutés pourrait passer pour une cousine de nos myrtilles. Bien connu au Canada sous le nom de camérise, et déjà très prisé des Japonais, ce chèvrefeuille comestible tente aujourd’hui de se faire une place au soleil du Valais sous l’appellation contrôlée de «baie de mai». Un nom tout trouvé puisque ce fruit arrive généralement à maturité avant début juin.

A l’essai depuis trois ans

Si ce fruit méconnu sous nos latitudes tente une percée en terre valaisanne, c’est grâce à Nadine Lacroix Oggier. «J’en ai acheté 1500 arbres en 2014», explique la microbiologiste québécoise devenue valaisanne il y a une douzaine d’années. Ces plants d’une quinzaine de centimètres ont été aussitôt mis en terre du côté d’Arbaz, mais aussi sur deux parcelles mises à disposition par le centre de recherche Agroscope à Conthey.

«Les buissons ont immédiatement donné quelques baies bleutées, mais c’est l’an passé que la récolte a vraiment décollé», explique Julien Hériter, responsable plateforme extraction & analyses chez Médiplant qui a découvert l’existence de la camérise en côtoyant Nadine Lacroix Oggier dans un colloque scientifique. «Les vertus de ce fruit sont multiples et vraiment porteuses d’espoirs de beaux développements», explique Julien Héritier sous le charme de cette baie à la peau d’un bleu similaire au bleuet, à la chair d’un pourpre intense dont la saveur présente un équilibre parfait entre acidité et teneur en sucre.

Une baie précoce

«Ce fruit présente aussi l’avantage d’arriver à maturité tôt dans la saison. Il peut représenter une première source de revenus intéressante pour un producteur». D’autant plus que sa culture ne nécessite aucun traitement et qu’il peut justifier d’une appellation bio forcément mieux rémunérée. Riche en antioxydants, la baie de mai offre aussi une autre qualité qui pourrait devenir cruciale aux yeux des agriculteurs valaisans: elle ne craint pas le froid. «Lors du grand gel du printemps 2017, les plants qui étaient pourtant en floraison dans la plaine du Rhône ont parfaitement résisté à des températures de – 8 degrés», confirme André Ançay, responsable groupe petits fruits au centre de recherches Agroscope.

Toutes ces vertus ne devraient pas laisser insensibles les milieux agricoles valaisans. Les Fruits de Martigny – qui commercialisent déjà des produits originaux de niche comme les jus de pomme menthe ou de poire chanvre – ont d’ailleurs été les premiers à tomber sous le charme de cette baie de mai. «Son jus offre une couleur bourgogne très intense qui va servir à créer un nouvel assemblage original 100% valaisan mélangeant jus de pomme et extraits de cette baie de mai qui rappelle le cassis ou la framboise mais en présentant un équilibre quasi parfait entre acidité et teneur en sucre», explique Francis Bourqueriez, responsable développement chez Iris.

Cette marque déposée du groupe Les Fruits de Martigny SA commercialise bon an mal an entre 800 000 et un million de cols de jus naturels les plus divers. «Et nous allons commencer par tester un millier de litres de ce nouveau produit mariant pommes et camérises avant d’envisager de passer la vitesse supérieure avec un produit très sain et naturel».

Elle pousse partout

Un essor qui demanderait de consacrer de nouvelles surfaces à l’implantation de camérisiers en Valais. «Sa culture n’est pas exigeante, ne demande aucun traitement et peut se développer dans n’importe quel sol, contrairement à la myrtille. Il pousse aussi bien en plaine que sur les coteaux de Bruson ou d’Arbaz», détaille André Ançay. Quant aux fruits, ils se détachent facilement de la plante. «S’il n’est pas destiné au marché du frais, le chèvrefeuille comestible se prête à merveille à la transformation, pour bonifier des jus de fruits, agrémenter des gâteaux ou finir en gelée», conclut Julien Héritier.